On the way home
Auteur : Pierre Berlioux
Ce texte a été retenu par deux lecteurs/lectrices sur trois
Résumé
En France, dans quelques décennies, dans un contexte de crise politique, une étrange maladie extrêmement contagieuse apparaît. Elle touche essentiellement les adolescents sous forme de tâches brunes sur la peau, elle évolue inexorablement vers la mort à l’âge de 17 ans. Ces jeunes contaminés sont soumis à un isolement strict dans des usines où ils doivent fournir un travail quotidien compensé seulement par le gîte et le couvert. Ce sont « Les Forçats ». Certains d’entre eux se sont échappés et essaient de survivre à l’extérieur. Ce sont « Les Sauvages ».
L’histoire raconte leur voyage clandestin au péril de leurs vies vers l’Angleterre qui possède le traitement permettant de guérir cette maladie.
Ce qu’en pensent nos lecteurs/lectrices (extraits des fiches de lecture)
Ce texte est très surprenant, son rapport au public est très particulier, car le public fait partie à 100 % du processus du spectacle, il se déplace, change de lieu, est à proximité des comédiens parfois même pris à parti et le public est doté d’accessoires lui faisant comprendre qu’il est un personnage de la pièce. En lecture ceci est passionnant car nous avons la chance d’avoir le point de vue des deux groupes ce que n’aura pas le public au début. Toute la force de ce texte est centré sur l’émotion, les personnages sont criant de vérité, ils sont très concrets, on se prend une vague d’émotion à chaque ligne, on ressent vraiment les choses en même temps que les personnages. Le point de vue de chacun est vraiment bouleversant on s’attache à chacun d’eux, on ne lâche pas le texte et à la fin j’étais vraiment triste de les quitter.
[…] ça fait du bien de voir un texte sur l’adolescence qui parle d’autre chose que des émois amoureux ou du harcèlement scolaire car oui les ados peuvent être touchés par autre chose que leurs nombrils comme on aime le penser, l’intensité perpétuelle de ce texte est parfaite pour eux.
Pierrick
Me voilà devant un texte relativement court (53 pages) mais qui regorge d’informations scéniques indispensables à la compréhension de l’histoire qui se joue devant et avec nous puisqu’il s’agit d’un spectacle immersif. Je dois avouer qu’à la 1ère lecture, je me suis sentie complètement engloutie par les multiples indications de l’auteur avant d’arriver à comprendre ce qu’il voulait faire, pas facilement visualisable pour moi au début mais prometteur au plateau avec un peu plus d’imagination. Les personnages aussi m’ont assaillie avec leurs différences, leurs appartenances, leurs implications, leurs relations plus ou moins esquissées et il m’a fallu un peu de patience pour arriver à apprivoiser un peu ce « ON THE WAY HOME ».
[…] Les personnages sont principalement des adolescents et malgré la gravité et le danger des situations il y a toujours de l’humour, de l’émotion, de l’étonnement. Les émois amoureux de ces garçons et de ces filles sont réels, même s’ils sont ambigus. On est attiré par celui ou celle qui nous ressemble et en même temps attiré par celui ou celle qui est différent. Et si « Les Forçats » sont un peu plus domestiqués que « Les Sauvages », il y a dans chacun et chacune du malheur, des blessures, de l’incompréhension, des chagrins, de la rage, de la colère mais aussi de l’espoir. J’ai aimé la façon dont je me suis progressivement rapprochée des personnages, même les plus radicaux qui ont quelque chose de touchant. On sent la faille pas loin du cœur. L’auteur ou l’autrice, sur un sujet aussi brûlant que l’immigration forcée (ici pour des raisons sanitaires) ne donne pas de leçon. Il ou elle raconte une histoire avec ses joies, avec ses peines, avec ceux qui en meurent et ceux qui vont peut-être pouvoir s’en sortir.
Marie-Claude
Si la construction de l’ensemble est très cohérente, à partir de la fin de la 3ème partie, j’ai l’impression que quelque chose se perd. En tout c’est ce que j’ai ressenti pendant la lecture. Comme si les thématiques abordées étaient moins bien traitées ou anecdotiques– notamment tout ce qui concerne les pratiques culinaires mais aussi les histoires d’amour et les jalousies qui se créent entre les différents protagonistes. Peut-être parce qu’on est trop dans des petites histoires individuelles traitées de façon, à mon sens, un peu simpliste, sous prétexte qu’il s’agit d’histoires d’adolescents.
Même si la pièce est plutôt bien construite, j’ai commencé à « décrocher » à partir de la moitié. Peut-être parce que les enjeux sont moins clairs, comme si l’auteur avait voulu décliner tous les possibles lés à la question des différences (l’origine, la langue, la nourriture, le genre, etc.)
Valérie
Extrait du texte
GARDIEN. S’il vous plaît, me touchez pas… Je suis pas responsable de ce qu’on vous fait faire.
SOFIA. Ah ouais, pas responsable ? Tu trouves pas ça chelou, toi ? Qu’ici, personne soit responsable, mais que tout le monde continue à bosser ? Tu vas pas me dire qu’on t’a forcé à faire le maton ? Hein ? Tu trouves ça normal comme boulot ?
Le gardien ne répond pas. Il les regarde, l’air inquiet.
ALI. Approche sa tête de la tête du gardien. Réponds ! Tu trouves ça normal ?
LE GARDIEN. Recule. Non !
SOFIA. Ali, attends ! Au gardien. T’inquiète, « mon grand ». On va pas te contaminer… On va juste te laisser moisir quelques heures, le temps de se casser loin d’ici. Mais t’inquiète, on va pas te faire mal, t’as toujours été flex avec nous…
LE GARDIEN. Merci… Vous… vous allez y arriver. Je crois en vous… Aujourd’hui, c’est le grand jour.
SOFIA. Écoute-moi bien. Tu diras à ceux qui te retrouveront qu’on est partis par les égouts.
ALI. Pigé ?
LE GARDIEN. Pigé. Faites-moi confiance, les jeunes.
SOFIA. Parfait.
Ali et Sofia se prennent dans les bras.
ALI. Sofia…
DIEGO. S’approche d’eux. Heu… on fait quoi, maintenant ?
SOFIA. On attend qu’elle revienne ! Se lève et va vers la porte. Qu’est-ce qu’elle fout ?
LÉO. Toujours en train de guetter. C’est sûr, elle se tape le couscous…
ALI. À Diego. Élise, elle est partie payer le passeur. Dès que c’est bon, on monte dans le camion pour Londres.
DIEGO. On y va en camion ? Par la mer ?
SOFIA. Pas possible… Montre Léo. Avec son humour, y ferait couler le bateau !
LÉO. Toujours en train de guetter. Relou… mais rigolo ! Sans moi, vous seriez déjà tous morts d’ennui.
ALI. À Diego. Par le Shuttle. Un tunnel. Tu verras. Pour l’instant, on attend Élise. Ensuite, tu nous suis, c’est tout.
LÉO. Elle est là ! Élise entre.
SOFIA. Alors ?
ÉLISE. Je le sens pas, ce gars. Faut se méfier, ça a l’air d’être – genre un gros crevard.
ALI. Ça m’étonne pas. On peut y aller direct ?
ÉLISE. Ouais. Il nous attend. Quand on sera dedans, faudra taper sur la vitre intér… Elle tousse.
SOFIA. Ça va aller ? Élise hoche la tête. OK, c’est parti !
LÉO. Attendez ! Faut bâillonner le gorille !
ÉLISE. Je m’en charge.
LE GARDIEN. Leur sourit. Allez les jeunes, soyez forts. L’Angleterre est à vous, c’est le destin !
ÉLISE. Le bâillonne. Le destin, on l’emmerde !
Courte biographie de l’auteur
Pierre Berlioux est né en 1990 en France.
Il étudie l’art dramatique au conservatoire d’Avignon ainsi qu’au TRAC de Beaumes-de-Venise et à l’AIDAS de Versailles. Il se forme auprès des pédagogues Vincent Siano, Carlo Boso et Ivo Mentes.
Il s’oriente par la suite vers la machinerie théâtrale et part en apprentissage au Théâtre de Célestins et à la Ferme du Buisson. Il travaille ensuite comme constructeur de décors et scénographe.
En 2013, il monte une compagnie de théâtre avec trois autres associé.e.s, la Comédie du Fol Espoir, basée à Grenoble. Il travaille pendant 5 ans à l’écriture des spectacles de cette compagnie où il est également comédien.
Parallèlement, il écrit des pièces dialoguées, des textes jeune public et des paroles de chansons.
Il habite désormais au Québec, où il a intégré le programme d’écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre du Canada.