Passage du Convoi cette Nuit
Autrice : Anne-Christine TINEL
Ce texte est en lice pour l’Eclat de Cœurs 2022
Résumé
Une enfant, Dina, part pour quatre jours en vacances seule avec sa mère handicapée mentale dans un hameau proche d’une usine fabriquant des avions. Elle y rencontre deux jeunes de son âge, Samuel et Solène, avec qui elle va se lier. Les trois enfants pensent avoir trouvé la manière de guérir la mère de Dina. Ils décident de mettre en application leur plan et sont stoppés in extremis par les parents de ses deux nouveaux amis. Finalement, ce n’est pas si mal d’avoir un peu de vide en soi !
« un peu de vide par-ci par-là, ça te laisse bouger les rêves, quand c’est trop plein on rêve pas »
Ce qu’en pensent nos lecteurs/lectrices (extraits des fiches de lecture)
Ce texte est composé de scènes très courtes, et certains titres sont bien trouvés car ils évoquent un peu l’aventure tels que « Echouer sur l’île après la tempête » ou « les autochtones »…car il s’agit bien là pour moi d’une aventure, celle de l’enfance, ce territoire inconnu et vaste mais surtout celui de tous les possibles.
Le jeu est un élément fort de ce texte, jouer à faire croire que notre vie est différente de ce qu’elle est en réalité, j’ai été très touchée par la tristesse douce-amère qui se dégage de ce texte, une sensation de nostalgie de ce temps d’enfance que l’on a connu et qui n’est plus aujourd’hui…un peu comme lorsque j’avais lu la trilogie de Pagnol surtout le dernier « Le temps des secrets ».
L’écriture de ce texte est très belle et poétique je cite un passage dit par Dina à son arrivée à Volvestre « Le car penche, on descend les marches, ça tremble, ça chatouille les mollets, les dents. Maman porte les valises. Elle a des bras forts. Dehors ça souffle comme un four chaud autour du rôti. Le car barrit, ça pétarade, on se tord les chevilles dans l’herbe brulée…La route, elle a des pansements clairs. »
Nicoletta
Un texte en rythme, en creux, qui laisse place au jeu du comédien /de la comédienne, à l’imaginaire des spectateurices. De la place dans le texte pour nous, lecteurices qui allons y prendre part. Cette place, ce creux, c’est du vide nécessaire, comme le vide dans la mère de Dina, comme le vide qui fait flotter les rêves dans le corps des enfants. Et ça marche, c’est étrange au début, comme la mère de Dina, mais ça marche et drôlement bien. L’embarquement est immédiat, d’abord dans le langage, celui de Dina. On voit tout, on comprend tout, dans ses phrases courtes, qui laissent nos déductions en suspens, le désir de voir où elle va, où elle nous emmène comme ça, déterminée, courageuse, pour trois nuits et quatre jours, seule avec sa maman. On s’attache vite et intensément aux personnages, à leurs relations. Le langage imagé semi-inventé-décalé de Solène est tout aussi créatif et enthousiasmant. Je suis retombée en enfance, et moi aussi j’ai voulu croire à leur plan improbable pour aider la mère de Dina.
L’écriture fait aussi beaucoup appel à nos sens, aux sensations, au ressenti. […]Ces mots passent par nos corps, les interpellent, les chatouillent du dedans. Et tout ce vocabulaire ultra-sensitif vient rebondir contre le corps mou et immobile de la mère-poupée de chiffon. Je trouve ce contraste très beau. Ce n’est pas une opposition, mais une mise en lumière de plusieurs réalités, une façon délicate et poétique de célébrer nos différences.
Elsa
Autant le dire de suite, j’adore cette pièce. Le thème abordé n’est pas facile à traiter, et par le biais de l’amour fille-mère et mère-fille qui transparaît en filigrane tout au long de la pièce aussi bien dans les répliques de Dina que dans ses actes, le propos en ressort grandi.
Il y a longtemps que je n’avais pas lu une pièce qui me plaise autant. Enfin dirais-je ! Elle est un concentré d’émotions, de poésies, de trouvailles, d’amour, de philosophie. C’est une pièce à
l’écriture simple mais efficace, d’une intelligence indéniable, pleine de finesse, de douceur et de délicatesse.
C’est une pièce riche de tant de choses : l’inventivité lexicale du langage de Solène et Samuel qui n’entrave en rien la bonne compréhension du propos, la façon dont les enfants traduisent le handicap dont souffre la mère, comment ils s’en emparent, comment ils sont capables de voir le monde différemment en s’en imprégnant… Vraiment, une pièce magnifique, très réussie.
Jean Luc